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Café philo en pré-ouverture

En-Amourez-vous: sur l'énamoration

Amis philosophes et autres, bonjour!

En pré-ouverture, le café philo savernois se tiendra le vendredi 23 août, à 17h, sur la terrasse du restaurant du Haut-Barr. Explications.

Notre conversation se déroulera exceptionnellement au château du Haut-Barr, sur la terrasse du restaurant. Elle s'inscrit en pré-ouverture du week-end festif organisé par l'association Castrum Borra, dont l'objectif est de mettre en valeur et de faire découvrir ce haut lieu historique et d'exception du patrimoine savernois, avec l'intention avouée de nous faire « tomber amoureux », d'où l'expression ci-dessus « En-Amourez-vous! » qui nous a été proposée par les organisateurs de cette manifestation, comme sujet de conversation.

Aussi, si cette expression ne trouve pas d'usage courant dans la langue française, chacun peut entendre ce à quoi elle renvoie: un état singulier de la relation amoureuse que l'on nomme « énamoration ».

L'énamoration est un « état » amoureux qui traduit le fait non de « tomber amoureux » au sens du « choc » qui témoigne lui-même du « coup de foudre » mais, plus profondément et plus subtilement, qui dit les « bouleversements » qu'engendre « l'état naissant » d'un mouvement collectif à deux qui fait que l'on « entre en amour » parce qu'on y est irrésistiblement invité.

Tomber amoureux, de ce point de vue, prend un sens nouveau qui est justement de vivre ce bouleversement engendré par cet état naissant.

Ainsi, nous pouvons penser « l'énamoration » comme une « construction en cours » en tant qu’elle est aussi la promesse d'une vie différente de ce qu'elle est. Dans la grisaille du présent,

perdus dans un monde que nous ne reconnaissons plus et qui ne nous reconnait plus, nous attendons un jour nouveau, une vie nouvelle, un printemps nouveau, une rédemption, un rachat, une revanche, une révolte. Une fenêtre s'ouvre. Sur les ruines, un jardin apparaît!

Cet état naissant révolutionne la vie quotidienne. Aussi peut-il se déployer que dans la mesure où il réussit à la bouleverser, c'est-à-dire lorsque la vie peut prendre une autre direction, nouvelle, voulue, intéressante et excitante. Mais sommes-nous vraiment prêts et préparés à ce bouleversement, que nous préférons vivre par procuration en lisant un bon roman ou en regardant un bon film, ou encore en le jouant au théâtre? Car la peur qui nous habite est notre propre tyran qui nous immobilise!

Lorsqu'on « tombe » amoureux sous cette forme singulière, quelque chose en nous « tombe ». Dés lors l'autre apparaît plein de vie débordante. Il est en effet l'incarnation de la vie dans l'instant même de sa création, dans son élan, la voie vers ce que l'on n'a jamais été et que l'on désire être. Il est un « appel ». L'aimé est donc toujours une force vitale libre, imprévisible et polymorphe. Il est comme un superbe animal sauvage, à l'image d'un cheval galopant fougueusement crinière au vent dans des prairies et des paysages qui s'étendent à perte de vue, extraordinairement beau, extraordinairement vivant. Un animal dont la nature n'est pas d'être docile mais rebelle, n'est pas d'être faible mais fort. Et ce que l'on nomme « état de grâce » est ce "miracle", parce que impensable, qu'une telle créature vienne à notre rencontre, douce à notre égard et qu'elle nous aime.

Pour autant nous ne devons pas ignorer le risque qu'encoure cette rencontre tant attendue, tant désirée: la tentation de vouloir domestiquer cette créature sauvage et pleinement vivante, qu'elle devienne disponible à souhait, toujours prête à nous satisfaire et toujours reconnaissante des barreaux qu'on lui a savamment confectionné pour son plus grand bien. Ce faisant, la superbe bête

sauvage risque fort de se transformer en baudet récalcitrant. La fleur tropicale, arrachée à son milieu, s'étiole dans le petit vase posé là, sur la fenêtre.

Ainsi, plus l'amour naissant s'entête à vouloir tout réaliser dans le concret, dans le pragmatique, dans les faits, plus il est condamné à s'éteindre. Pour autant cela veut-il dire qu'il ne faille rien vivre, rien risquer, qu'il est nécessaire de préserver les fantasmes ou les illusions, le rêve, la distance, pour préserver cet état naissant et cette rencontre? Non! Ce qui est à préserver, c'est ce mystère dont l'autre est porteur et qui fait de lui cet animal sauvage éblouissant. C'est accepter de ne pas y aller voir de ce côté là, de ne pas savoir ce qui l'organise, de ne pas vouloir le réduire en voulant le contrôler et/ou le soigner de ses blessures parce que ça nous dérange, car c'est ce qui le rend si vivant et qui nous a tant ému. Prenons garde, sachons préserver, chez l'autre, cet indomptable qui nous bouleverse et qui nous rend nous-même si vivant. Ne le réduisons pas à la domestication qui a pouvoir de nous rassurer, voire à la servilité qui n'a d'autre fonction que celle d'asseoir un pouvoir discutable qui, du même coup, tue l'amour naissant tant désiré; qui, du même coup, tue ce qu'il y a de vivant dans la vie.

La conversation sera conduite par Roland et Martine. 

                                                                                                             J.L.

N.B.: La chanteuse française Mylène Farmer s'est beaucoup inspirée du livre best sellerdu sociologue Francesco Alberoni Innamoramento e amore paru en 1979, pour sonalbum Innamoramento sorti en 1999.A écouter ou à découvrir.

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