Saverne / Nouvelle association Castrum Borra
Un regard neuf sur l'OEil de l'Alsace
La population s'en est aperçue récemment, suite à l'éboulement en décembre d'une partie du mur du rocher nord : le château du Haut-Barr, joyau du XII e siècle surnommé l'OEil de l'Alsace, est dans un piètre état. Jeudi, une nouvelle association pour la sauvegarde du « Castrum Borra » savernois sera lancée, à l'initiative du conseiller général Thierry Carbiener.
Château du Haut-Barr, le 10 décembre dernier : une partie du mur du rocher nord, qui n'était déjà plus accessible aux visiteurs depuis un certain temps, s'effondre. Ce qui a pour effet de restreindre encore l'accès aux ruines du vénérable château.
Mais c'est bien avant cela, soit il y a plus de deux ans, que le conseiller général et chef de l'opposition au conseil municipal de Saverne Thierry Carbiener a pris les premiers contacts pour créer une association visant à mettre valeur ce château médiéval qui est, selon l'office de tourisme savernois (DNA du 28 juillet 2011), le troisième château fort le plus visité d'Alsace.
« Tous les châteaux autour de nous sont beaux,à part le nôtre »
« Nous avons tous un attachement profond pour ce château », indique-t-il, avant de faire remarquer que « tous les châteaux autour de nous sont beaux, à part le nôtre, alors qu'on est Porte d'Alsace ! » Selon lui, « Adrien Zeller avait fait de l'entretien courant, mais pas de mise en valeur. À titre de comparaison, le château de Lichtenberg a été soutenu », de même que celui de Lutzelbourg ou de Wangenbourg.
« Quand on parle des châteaux alsaciens, il n'est pratiquement jamais question du Haut-Barr », regrette à son tour Bernard Haegel, qui participe au projet en tant que président du CRAMS (centre de recherches archéologiques médiévales de Saverne). « J'ai entendu la réaction de nombreux visiteurs qui sont allés sur le site actuellement, ajoute-t-il. Ils disent qu'il est dans un abandon total. » On rappellera à ce sujet que la DRAC a donné en janvier son autorisation pour la remise en état du rocher nord, pour laquelle la ville de Saverne projette d'inscrire 50 000 EUR au prochain budget municipal (DNA de mercredi).
Parmi les futurs membres, on trouve aussi René Kill, également du CRAMS et spécialiste de la problématique de l'approvisionnement en eau dans les châteaux médiévaux. Et le président de la Shase (société d'histoire et d'archéologie de Saverne et environs) Francis Kuchly, car « en tant que société d'histoire, on ne pouvait pas ne pas s'intéresser à une association qui oeuvre pour l'avenir du Haut-Barr ». Tous sont des historiens locaux, des références dans leur domaine. « Nous avons besoin de nous appuyer sur des personnes référentes de dimension départementale», indique Thierry Carbiener.
Outre le conseiller municipal d'opposition Eugène Fuchs et l'ancien conseiller Jacques Anstett, il y a là aussi Rodolphe Oberling, président de la Confrérie du Haut-Barr, qui insiste notamment pour que ce château soit « signalé sur l'autoroute ». Sans oublier Alfred Mulot, ancien président des Amis de la chapelle du Haut-Barr et détenteur de la médaille d'or de la ville (lire dans cette édition). Tous, ils disent vouloir « faire quelque chose de ce Haut-Barr ».
D'où cette association qui aura pour joli nom « Castrum Borra », correspondant à la « première mention du château dans un texte d'archives, au XIIe siècle », explique Bernard Haegel. L'objectif, selon Thierry Carbiener : « Lancer un élan, en espérant que plein de bonnes idées viendront ».
Il est question d'initiatives patrimoniales et historiques bien sûr, mais aussi pédagogiques (avec les écoles), culturelles (théâtre, art contemporain, musique) ou événementielles (spectacles). « Il faut rendre le château plus proche des gens », indique le conseiller général, qui songe à en faire aussi « une plateforme de connaissance et de recherche au niveau départemental », notamment à travers « une thématique que j'imagine autour de la vie quotidienne dans un château ». Précisant que « la dimension castrale et médiévale relève des compétences du conseil général », il pense pouvoir « ramener un peu d'argent pour le fonctionnement et des aides pour l'un ou l'autre coup de projecteur».
La ville est propriétaire...
Mais il devra d'abord régler un petit détail : c'est la ville de Saverne qui est propriétaire du château. Et le maire de Saverne Émile Blessig a redit clairement lundi, lors du dernier conseil municipal, que le Haut-Barr n'était actuellement pas une priorité municipale, côté finances. Si l'on ajoute le fait qu'un consensus sur le sujet paraît difficile à obtenir, à l'approche d'élections législatives qui pourraient voir s'affronter les deux hommes forts de Saverne... « Il n'y a rien de politique dans cette affaire, insiste pourtant le chef de l'opposition municipale. C'est ouvert à tous ceux qui veulent s'occuper du Haut-Barr. » Il ne se prive pas toutefois pour rappeler au passage : « J'avais organisé trois Sagas là-haut (au moment où il était lui-même maire de Saverne, ndlr). Le constat est qu'il ne s'est rien passé depuis quelques années. »
Il proposera donc à Saverne, de même qu'à Haegen (commune concernée par une petite partie du château), d'être membres de droit de Castrum Borra. « On ne peut pas se passer d'un lien étroit avec la ville », ajoute-t-il, se disant « convaincu qu'un représentant de la ville sera présent à l'assemblée générale ». Ville qui d'ailleurs, à cette occasion, « met la salle Lully à disposition. Je lis là des signes positifs de bonne coopération. »
Au-delà des éternelles querelles savernoises, et même si le moment politique n'est vraisemblablement pas choisi au hasard, une chose est sûre : après le récent éboulement au château du Haut-Barr, une réflexion à propos de ce joyau médiéval régional devient urgente.
Emmanuel Viau
Jeudi 23 février à 20h au château des Rohan de Saverne, assemblée générale constitutive de l'association Castrum Borra.
DNA du dimanche 19 Février 2012